Enregistrement d’un harcèlement moral : le droit à la preuve avant tout

Une secrétaire comptable, en arrêt pour accident du travail pendant plus d’un an, reprend son poste à temps partiel dans le cadre d’un mi-temps thérapeutique avant d’être licenciée pour cause réelle et sérieuse. Contestant son licenciement, elle demande son annulation en invoquant un harcèlement moral de la part de son employeur.

Elle affirme avoir subi des pressions pour accepter une rupture conventionnelle, son employeur la menaçant d’un licenciement en cas de refus. À l’appui de ses allégations, elle fournit la retranscription d’un enregistrement sonore clandestin d’un entretien où l’employeur exerce ces pressions.

La Cour d’appel rejette cette preuve, estimant qu’elle est contraire au principe de loyauté dans l’administration de la preuve et qu’elle porte une atteinte disproportionnée au respect de la vie privée de l’employeur.

Cependant, la Cour de cassation casse cet arrêt. Elle souligne que les juges du fond auraient dû examiner si la production de cet enregistrement, effectué à l’insu de l’employeur, était indispensable pour prouver le harcèlement moral. Elle précise que le droit à la preuve peut justifier l’usage d’éléments portant atteinte à d’autres droits, à condition que cette atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi et nécessaire pour établir la vérité.

Le juge doit ainsi équilibrer les droits en conflit : d’un côté, le droit à un procès équitable et à la preuve, et de l’autre, les droits à la vie privée et à la loyauté des procédures. La production d’une preuve contestée peut être admise si elle est essentielle et si l’atteinte reste proportionnée.

Cass. soc., 10 juillet 2024, n°23-14.900, Domitia Habitat OPH